samedi 4 avril 2009

La Mer Caspienne, épicentre des prochains conflits

Cette semaine le G20 se tenait à Londres. Tous les journaux et les blogs en parlent, et personnellement, ça ne me passionne plus que ça. Jacques Attali résume à peu près ce que j'en pense.

Donc on va plutôt faire de la géographie et parler de la Mer Caspienne.

Droit de la mer
ensemble des règles internationales, applicables aux espaces maritimes, et relatives à la souveraineté, la navigation et l'utilisation économique des eaux et des fonds marins.

Mer Caspienne
La plus vaste étendue d'eau continentale du globe, aux confins de l'Europe et de l'Asie, partagée entre la Russie, le Kazakhstan, le Turkménistan, l'Iran et l'Azerbaïdjan ; environ 360 000 km2.

(source Larousse en ligne)


Lac ou Mer intérieure ?

Si la question peut sembler spécieuse, le statut de la Mer Caspienne est pourtant très âprement débattu par tous les pays intéressés: Russie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Iran et Turkménistan.

Car au-delà du statut purement géographique, c'est le statut juridique qui est en jeu. Le Droit maritime, et donc le droit d'exploitation du sous-sol marin (comprenez des gigantesques gisements de gaz et de pétrole) avantagera l'un ou l'autre des pays limitrophe suivant si on fait de la Caspienne une mer ou un lac.


On peut ranger les acteurs de ce conflit diplomatique en deux camps.

Le "camp lac" d'un coté, composé de L'Iran et du Turkménistan, qui, étant les deux pays ayant le moins de km de côte, voudraient voir appliquer la répartition des richesses offshores à proportions strictement égales (20% pour chacune des cinq parties) au lieu de la répartition proportionnelle.
De plus, dans ce cas de figure, les décisions concernant l'exploitation des richesses naturelles devraient se faire à l'unanimité des pays concernés.

Le "camp mer" de l'autre
, où on trouve le Kazakhstan et l'Azerbaïdjan, qui ont la part du lion du littoral mais aussi des ressources naturelles, et qui, soutenus comme on le verra par les Etats-Unis, souhaitent faire appliquer le droit régi par la Convention des Nations Unies de 1982, et conserver l'appartenance des champs gazifières les plus importants.

Chacun de ces deux camps s'appuie sur différents textes et résolutions internationales sans arriver à mettre un terme à ce différent territorial. La Russie quant à elle joue un rôle d'arbitre et appuie successivement l'une ou l'autre suivant son intérêt. Le Kremlin penche en ce moment du côté du camp mer, principalement depuis la découverte de nouveaux champs dans la région d'Astrakan.

Sans continuer plus avant dans les détails juridiques, retenons simplement l'existence de ces deux camps, et le fait que l'Iran, défendant sa position, empêche depuis 2001 l'Azerbaïdjan et un Consortium énergétique, Alov-Araz-Sharg, dirigé par la British Petroleum (vieille connaissance de l'Iran par ailleurs) d'exploiter le champ gazifière de Alov.


La position Russe est très claire : dans l'état actuel des choses, ils sont les interlocuteurs incontournables pour qui veut faire transiter le gaz et le pétrole depuis la Caspienne vers le marché auquel ils sont destinés, en Europe principalement. Ils ont donc tout intérêt à ce que la situation pourrisse, en soutenant les ambitions Iraniennes et Turkmènes d'un côté, et les revendications Azéries de l'autre.

Car le transport du gaz et du pétrole ne peut passer par le sud, où se trouve l'Iran, ce pays étant sous embargo économique depuis plus de 10 ans.
Les Américains, très conscients de cette situation de monopole de fait des russes sur la question du transport, ont porté à bout de bras le projet du pipeline BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan), un projet très ambitieux qui permettait de littéralement contourner le problème, en partant de Bakou, capitale Azérie, pour passer par la Géorgie et la Turquie sur 1760km, évitant par là-même la Russie et l'Iran, les deux meilleurs ennemis de Washington.



Après de nombreux délais et imprévus divers, le pipeline fut mis en service le 10 mai 2005.
On retrouve encore la BP comme participant majoritaire au consortium (30.1%), suivi de la State Oil Company of Azerbaijan (SOCAR) (25%), Unocal (8.90%) et 8 autres compagnies détenant de sparts plus minoritaires.

Le Caucase ou passe le BTC est une véritable poudrière, où l'on compte au moins de 7 zones politiquement instables :

le Haut-Karabagh, région sécessioniste d'Azerbaïdjan peuplée majoritairement d'Arméniens,
la Tchétchénie, où malgré la fin du conflit en 2006 connait toujours des troubles
le Daguestan, l'Ingouchie, l'Ossétie du Sud, l'Abhkazie, et le Kurdidstan Turc.

Un exemple des conflits incessants dans la zone (Euronews, 04.04.2009):
Des affrontements ont aussi été signalés à Makhatchala, la capitale du Daguestan, autre république frontalière de la Tchétchénie, sans qu'il soit possible encore de faire un lien avec les troubles en Ingouchie.

Selon les autorités ingouches, 200 hommes environ ont participé à cette attaque qui a visé plusieurs bâtiments gouvernementaux dans trois localités de la république. Parmi les victimes figure le ministre ingouche de l'Intérieur.

Mais cette action a été minimisée par le ministre russe de la Défense. "La présence d'insurgés en Ingouchie est une réalité, mais nous avons assez de troupes pour les arrêter" a affirmé Serguei Ivanov.

Cette opération est néanmoins la plus importante menée par les rebelles depuis plusieurs années, des rebelles qui venaient apparemment de Tchétchénie et d'Ossétie du Nord.

Cette mise en perspective des contraintes géopolitiques de la région de la Mer Caspienne, loin d'être exhaustive (il faudrait parler du régime corrompu d'Alyev, de l'isolement Iranien, de la route de l'est pour livrer le gaz au marché chinois...), n'en reste pas moins très intéressante, et donne un avant-goût des prochains conflits à venir dans la région. C'est aussi un outil pour décrypter une actualité que les médias ne prennent hélas que trop rarement la peine d'expliquer correctement.
On peut dès lors voir la guerre Russo-Georgienne de l'Automne 2008 sous un angle assez intéressant. N'était-ce pas (entre autres raisons) pour le Kremlin une bonne occasion de démontrer la fragilité du BTC, et d'affirmer sa présence sur l'échiquier d'Asie Centrale non seulement comme incontournable mais aussi comme puissance énergétique dominante?

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